Climat : l'éditorial de Patrick Pouyanné

09/06/2017

 

Patrick Pouyanné

À l’occasion de la publication du rapport climat, Patrick Pouyanné, Président-Directeur général de Total, fait le point sur les actions et les investissements pour préparer l’avenir ainsi que sur les indicateurs de pilotage du Groupe.

Le temps de l’action

Le rapport que vous tenez entre les mains est le deuxième que Total consacre à la façon dont nous prenons en compte les enjeux climatiques dans notre stratégie. Cette publication a trois objectifs principaux. D’abord, partager notre ambition pour Total à l’horizon 2035, que nous construisons en prenant pour référence le scénario 2 °C de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ensuite, préciser la manière dont nous considérons les conséquences de celui-ci dans nos décisions.

Il conduit en effet à intégrer le fait que le pétrole est un marché mature, voire déclinant à long terme. La sélectivité de nos investissements apparaît donc de plus en plus comme un facteur clé de performance durable et mérite d’être explicitée. Enfin, ce document est l’occasion de faire le point sur les actions déjà mises en œuvre ou en cours de construction, les investissements pour préparer l’avenir, ainsi que nos indicateurs de pilotage.

GONZALEZ THIERRY - TOTALNotre démarche s’inscrit dans une volonté de transparence et d’échanges avec nos parties prenantes afin de leur permettre de bien comprendre les enjeux et les opportunités que le défi climatique génère pour Total.

Cette nouvelle édition voit le jour dans un contexte marqué par des évolutions importantes. En 2015, la COP21 de Paris avait en effet été le moment d’une prise de conscience forte, formalisée par des objectifs et des engagements volontaires de nombreuses parties prenantes. Ils sont toujours valables. 2016 a marqué une nouvelle étape, celle de la ratification de l’Accord de Paris par 94 Parties. 2017 lance ainsi le temps de l’action pour les États et pour de nombreux acteurs privés. La mobilisation des entreprises est à cet égard frappante et nous sommes nous-mêmes actifs pour encourager des initiatives internationales qui font bouger notre industrie.

Le lancement du Fonds Climat Climate Investments par l’Oil & Gas Climate Initiative (OGCI CI), avec un engagement d’au moins un milliard de dollars dans des projets et des technologies qui peuvent réduire les émissions de manière significative, en est le meilleur exemple. La priorité sera donnée au captage, stockage et valorisation du CO2, ainsi qu’à la réduction des émissions de méthane mais aussi à l’efficacité énergétique. Réaliser cet investissement à plusieurs permet de démultiplier son impact et de créer un effet de levier pour attirer d’autres financements.

C’est dans ce contexte volontariste que s’inscrit la stratégie de Total – devenir la major de l’énergie responsable – avec pour mission de fournir au plus grand nombre une énergie abordable, disponible et plus propre.

Aujourd’hui, la question climatique s’intègre dans nos choix stratégiques et c’est fort de cette conviction que Total a fait un pas décisif en réunissant Stratégie et Climat au sein d’une même direction et en créant un nouveau secteur d’activités Gas, Renewables & Power (GRP), destiné à porter l’ambition du Groupe dans les énergies bas carbone.

Pouyanne
D’ici à 2035, notre ambition est que l’ensemble des métiers bas carbone représente près de 20 % de notre portefeuille.
Patrick Pouyanné Président-Directeur général de TotalEnergies

Un investissement fort et constant DANS LA R&D

Aujourd’hui, comme le montre le scénario 2 °C de l’AIE, l’évolution du mix énergétique tient un rôle central quand il s’agit de limiter le réchauffement climatique.

La demande en énergie reste dynamique et continuera à croître dans les années qui viennent. Le monde compte actuellement 7 milliards d’habitants et parmi eux, 1,3 milliard n’ont pas accès à l’énergie. En 2040, nous devrions être 9 milliards, dont 2 milliards en Afrique.

Cette croissance nécessitera d’abord une énergie à un coût abordable afin de contribuer au développement économique et social de la planète, mais également une énergie plus respectueuse de l’environnement. Une exigence qui suppose des progrès majeurs, et si certaines pistes existent, d’autres sont à améliorer ou à inventer. C’est pourquoi le budget R&D de Total, qui dépasse un milliard de dollars en 2016, continue à croître. Cet effort en matière d’innovation, très souvent mené en partenariat avec d’autres acteurs, permet de nous orienter dès aujourd’hui vers un mix énergétique moins carboné, avec volonté, engagement mais aussi pragmatisme.

En particulier, nous consacrons 10 % de notre budget R&D (hors R&D de spécialités) dans les technologies de captage, stockage et valorisation du CO2.
L'Accord de Paris vise un objectif : atteindre la neutralité carbone au cours de la deuxième moitié du 21e siècle. Au même horizon, les hydrocarbures seront encore largement présents dans le mix énergétique. Ces deux paramètres ne seront donc compatibles que si ces technologies de stockage et de valorisation du CO2 sont développées et opérationnelles.

Cyril LOUBERSAC, operateur extérieur à la raffinerie de Donges

Plus de gaz pour répondre à la demande d’électricité

Les hydrocarbures ne vont pas disparaître : ils sont nécessaires à la poursuite du développement.
Ils occuperont une place encore significative dans les décennies à venir – plus de 40 % du mix d’énergie primaire en 2035 dans le scénario 2 °C de l’AIE.
Il est donc essentiel de ne pas s’attacher à une rupture brutale, irréaliste et de porter plutôt un autre regard sur ces énergies. Nous évoluons vers un modèle accordant plus de place au gaz – deux fois moins émissif de CO2 en génération électrique – qu’au charbon. Là encore, les enjeux climatiques se couplent avec une opportunité de développement. La demande en électricité augmentera en effet plus vite que la demande en énergie dans les 20 prochaines années et le gaz constitue une réponse fiable à cette nouvelle donne. Sa part représentera une part prédominante de notre portefeuille d’ici à 2035.

Mais pour que le gaz se substitue progressivement au charbon, énergie abondante et bon marché, il doit relever un défi essentiel, celui du prix. C’est une priorité. Et face à ce défi, une compagnie telle que Total a un rôle à jouer. En maintenant un haut niveau d’investissement : c’est ce que nous avons fait ces dernières années, malgré la volatilité des prix de l’énergie, et nous continuerons dans cette voie. En veillant à ce que les coûts de nos projets de liquéfaction de gaz soient abaissés grâce à l’introduction de technologies nouvelles. En contribuant au développement de la demande de gaz, comme l’illustrent nos derniers projets de développement de terminaux de regazéification en Côte d’Ivoire et au Pakistan.

L’efficacité énergétique constitue une autre facette décisive de notre action. Ainsi, nous avons pris un objectif d'amélioration de 1 % par an sur la période 2010-2020 pour nos installations opérées. Et pour accompagner nos clients dans leur action, nous leur proposons des produits et des services qui favorisent un usage responsable de l’énergie.

Au-delà de nos propres initiatives, un élément clé de succès demeure la mise en place d’un mécanisme de prix du carbone afin que le prix des énergies reflète clairement leur contenu en CO2 et permette ainsi un rééquilibrage en faveur des sources les moins émissives. Donner un prix au CO2 est le signal économique le plus efficace pour faire bouger les lignes rapidement. La priorité est de réduire le recours au charbon et de basculer vers le gaz et les renouvelables pour la production d’électricité. Certains pays comme le Royaume-Uni ont pris des mesures dans ce sens dont les effets ont permis rapidement d’éviter des émissions de CO2 sans restreindre la fourniture d’énergie. Ils ont instauré des mécanismes de prix support (18 GBP/tonne) au prix de marché EU ETS. Nous sommes favorables à ce genre d’initiatives instaurant immédiatement un prix plancher au CO2 en Europe (par exemple 20 euros par tonne) et qui laisserait le marché fixer le prix au-delà, à travers des systèmes tels que l’ETS (Emissions Trading System).

Pouyanne
La priorité est de réduire le recours au charbon et de basculer vers le gaz et les renouvelables pour la production d’électricité.
Patrick Pouyanné Président-Directeur général de TotalEnergies

Plus de renouvelables pour répondre à la demande en électricité

Collaborateurs Total

Total anticipe la mutation vers une demande croissante en électricité en procédant, notamment, à des acquisitions externes comme celle de Lampiris, acteur du marché résidentiel de gaz naturel et d’électricité verte, celle du fabricant de batteries Saft ou celle de la société PitPoint, leader européen de la distribution du GNV (gaz naturel pour véhicule).

À l’instar du gaz, les énergies renouvelables permettront aussi de répondre à la demande croissante d’électricité. Nous ambitionnons de consolider une position de leader de l’énergie solaire grâce aux technologies de pointe développées par SunPower qui sont adaptées au marché de la génération distribuée et au développement de notre filiale Total Solar dans la génération électrique solaire à travers des projets de fermes solaires. Notre ambition est de poursuivre notre déploiement sur des continents comme l’Afrique, qui a l’opportunité de s’électrifier en passant directement à des modes de production renouvelables décentralisés. Le programme d’accès à l’énergie solaire que nous avons déjà mis en œuvre dans plus de 30 pays est une expérience précieuse pour comprendre les défis à relever. D’ici à 2035, notre ambition est que l’ensemble des métiers bas carbone représente près de 20 % de notre portefeuille tout en veillant à la croissance rentable de ce portefeuille.

Répondre aux défis de la mobilité

La mobilité est en pleine évolution. Dans les années à venir, la présence du véhicule électrique léger dans les grandes conurbations va s'intensifier.
Les secteurs du transport routier et maritime vont également connaître d'importantes évolutions. Convaincus que le gaz naturel a son rôle à jouer, nous nous positionnons comme un acteur leader de sa distribution pour ces secteurs.
Les biocarburants seront également un atout de taille pour atteindre les objectifs climatiques, en particulier dans les secteurs du transport routier et de l'aviation. C'est pourquoi nous investissons dans ce domaine pour consolider notre position de leader dans leur distribution en Europe.

Une organisation qui reflète notre volonté stratégique

Pour répondre à l’ensemble de ces enjeux, il nous fallait adapter l’organisation du Groupe. C’est pourquoi, en 2016, elle a évolué avec la création d’un nouveau secteur d’activités : Gas, Renewables & Power (GRP). Le choix de ces mots traduit à lui seul notre lecture du marché. Cette nouvelle entité répond à une mission claire : proposer une stratégie de croissance dans le domaine de l’aval gaz, des énergies renouvelables, de la chaîne de valeur de l’électricité et des métiers de l’efficacité énergétique. Elle se fonde sur le modèle intégré qui a fait notre force : nous recherchons, produisons, transformons, commercialisons et distribuons, et sommes ainsi au plus près des attentes de nos clients. Cette approche s’appuie sur une discipline stricte d’investissement qui consiste à privilégier des énergies à bas coût pour satisfaire l’exigence première de nos clients : une énergie abordable, voire bon marché. Là encore, stratégie d’entreprise et responsabilité climatique s’unissent dans une même logique.

Optimisation du mix des énergies fossiles, développement des métiers bas carbone, valorisation de l’efficacité énergétique et engagement fort dans la recherche de nouvelles voies de valorisation du CO2… Total consolide une offre globale, riche en solutions diversifiées et porteuses de croissance, en phase avec l’ampleur de l’enjeu.